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La crise selon Hannah Arendt [1906 - 1975]

Philosophe


Dans les Etats-Unis des années 50, la philosophe Hannah Arendt, fraîchement naturalisée américaine, endosse un rôle nouveau, qui se situe entre celui de "l’historien et du journaliste politique" écrit-elle. Elle observe, autour d’elle, les multiples crises que traverse le monde entier. Crise de l’éducation, aux Etats-Unis, crise de l’autorité, de la famille à la politique, partout dans le monde, crise scientifique aussi, révélée par la volonté de vouloir à tout prix marcher sur la Lune quand nous avons déjà tant de mal à habiter notre planète.


Une vie de crises


Les crises, elle les connaît bien, elle qui a fui l’Allemagne à pied, de nuit, en 1933 ; elle qui fut internée dans le camp de Gurs à la suite de la première rafle du Vel’d’hiv en 1940 et qui réussit à s’évader pour rejoindre Marseille, puis Lisbonne, et finalement, les Etats-Unis, après trois semaines de traversée épouvantable.

Arrivée sur place, elle doit apprendre une nouvelle langue, l’anglais, se familiariser avec le monde des Temps Modernes de Chaplin, et se faire une place. Tel le roseau, Arendt ploie, mais ne se casse pas, et plutôt que de faire face à une crise intérieure, elle décide de se camper en observatrice de ce monde nouveau et de le penser avec précision et assiduité.


Une crise ne devient catastrophique que si nous y répondons par des idées toutes faites, c'est à dire par des préjugés

" La crise générale qui s'est abattue sur tout le monde moderne et qui atteint presque toutes les branches de l'activité humaine se manifeste différemment suivant les pays, mais une chose est sure : une crise ne devient catastrophique que si nous y répondons par des idées toutes faites, c'est à dire par des préjugés. "

Le diagnostic d’Arendt est sans appel : c’est l’ensemble de notre monde moderne qui est en crise, au sens où les hommes qui le composent ne savent plus où se situer dans l’Histoire et échouent à construire un monde commun.


Revenir aux questions avant d’apporter des réponses


Comment alors penser ce qui nous arrive sans s’enfermer dans des idées surannées ? Sommes-nous capables de produire une pensée à la mesure de la nouveauté que la crise révèle ?


Car oui : le propre d’une crise, c’est de faire émerger un élément de nouveauté inattendu. C’est ce qu’on appelle "un événement". Émeutes raciales, conquête spatiale, grève, pandémie planétaire. ...


Une crise, c’est un face-à-face inédit entre soi et les choses essentielles qui sont d’habitude recouvertes sous les idées toutes faites et les préjugés. La crise nous oblige à "faire tomber les masques" (sans mauvais jeu de mots) pour revenir aux questions elles-mêmes, avant même d’être en mesure d’apporter des réponses. Que se passe-t-il ? Qu’est-ce qui nous arrive ? Voilà le point de départ à toute réflexion en période de crise. Et voilà le point de départ à toute forme d’éducation, dont le but, insiste-t-elle, est d’adapter les enfants à ce monde dont les adultes ont la responsabilité :

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